(Ré)apprendre à jouer

Comment tu présenterais ton approche du théâtre pour les personnes après l’épreuve de la maladie ?

Le théâtre comme on le sait est une catharsis. Il permet d’exulter et de transcender toutes sortes de problématiques, difficultés, mal-être… et ce, quelque soit son histoire personnelle.

Associer les techniques de théâtre à une écoute et une approche psycho-thérapeutique en tant que praticienne en phénologie offre une possibilité accrue aux participants de libérer en toute confiance leurs émotions afin de les dépasser.

Dans un travail thérapeutique, la prise de conscience ne suffit pas. Elle doit, pour être intégrée par le patient, être entérinée par une action.

L’écriture, le dessin, la poterie… Toute forme d’art permet de reconnecter au soi. Le théâtre est un de ces outils. Et à mon sens un des plus forts parce que sur un plateau de théâtre tout est permis, sans jugement, et parce qu’il se fait devant témoin.

Le théâtre permet entre autre de :

Passer par le « jeu », le plaisir, la verbalisation et l’expression du corps.

Oser se challenger. Se rendre compte de ce qu’on est capable de faire.

Reprendre confiance en soi.

Modifier le regard qu’on porte sur soi et que l’autre porte sur soi.

Se reconnecter à l’autre par le jeu des rapports et relations.

Se réconcilier avec son corps, son potentiel de séduction, sa sexualité.

Reprendre le pouvoir sur sa vie.

Suite à une longue maladie,  il a fallu se battre pour survivre. La maladie a pris une place prédominante, au point même que certain ne s’identifie plus autrement qu’à travers elle, au point qu’ils se sont déconnectés de leur corps, qu’ils perdent tout repère avec le monde extérieur à la maladie (ils fréquentent essentiellement d’autres malades ou le corps médical).

Quand leur unique objectif est de survivre (ils abandonnent l’idée de faire des projets), ils évitent d’entrer en contact avec leurs émotions et leurs sentiments. Ils se protègent. Ils vont même jusqu’à se dissocier d’une part émotionnelle importante d’eux mêmes.

Le théâtre (avec une approche thérapeutique) va aider à dissoudre ces résistances et ces barrières qu’ils se sont forgés pendant la maladie.

Le théâtre va leur permettre de reprendre contact avec leur valeur, leur qualité, leur force et leur plaisir : leur singularité.

Plaisir du jeu, plaisir d’être avec les autres, plaisir d’être. Tout simplement.

Le théâtre va les aider à se réconcilier avec leur corps pour qu’il ne soit plus seulement objet de souffrance.

Par le biais des techniques théâtrales, les parts émotionnelles qui se sont dissociées (par protection) vont se réintégrer en douceur à leur personnalité.

Que constates-tu durant tes cours (les problématiques récurrentes)?

Le plus souvent à cause de la maladie et des souffrances physiques qu’ils ont endurés, les patients  sont « fâchées » avec leur corps. Ils dissocient corps et esprit. Comme ils ont dû « prendre sur eux » vis à vis de leur entourage, ils se sont aussi beaucoup coupés de leurs émotions. Ils ne s’autorisent pas à se laisser aller à leurs émotions. Ils vont donc au départ être dans une forme de retenue; comme s’ils n’y avaient plus droit.

Il en est de même quant à leur pouvoir de séduction. Généralement ils ont « abandonné » cette partie d’eux même comme si ce n’était plus possible pour eux d’y avoir accès. Parce que leur corps a changé, parce qu’ils sont « marqués » par la maladie. Ils résistent à se reconnecter à certaine partie de leur corps.

Les dommages collatéraux liés à la maladie comme la perte de leur emploi, l’incompréhension de l’entourage, le conjoint(e) qui part… les isolent et leur fait perdre confiance en l’autre et en eux même. ils vont donc au départ résister à l’idée de se montrer sans carapace.

Quel est le résultat au bout de quelques mois ?

Petit à petit, grâces aux exercices de théâtre, ils vont d’abord s’autoriser à prendre du plaisir (ce qui n’est pas évident quand pendant plusieurs mois leur vie est rythmée par la souffrance).

Plaisir de jouer, de fantasmer aussi. Ils se laissent rêver. L’imaginaire reprend sa place. Faire semblant, c’est déjà commencer à éprouver et à faire.

Ils se reconnectent petit à petit, et tout à fait inconsciemment, à leur corps puis à leurs émotions.

Ils osent beaucoup plus les exprimer et ne plus les percevoir comme des ennemis à cacher.

Ils s’apprivoisent au regard de l’autre. Première étape pour reprendre confiance en soi.

Ils se rendent compte qu’ils sont capables de monter sur scène devant les autres et D’EXISTER à travers un personnage et un texte qu’ils auront crées.

Dans la mesure où ils créent, ils osent montrer une part d’eux même et le laisser vivre, ce qu’ils s’étaient interdit.

Ils s’octroient le droit de vivre dans le plaisir, le temps du jeu.

C’est très guérisseur.

L’impact sur leur quotidien est inconscient mais réel parce que leur comportement va bouger au fil des semaines car l’inconscient continue de travailler même après les séances.

C’est un réel plaisir de voir l’évolution de chacun et la renaissance à travers le simple plaisir de JOUER.

Une réponse sur “(Ré)apprendre à jouer”

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